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Sénégal :Problématique des violences faites aux femmes

Dal Senegal Mariama BADJI

« La complexité du phénomène et la loi du silence interpellent toutes les familles d’acteurs du développement »

L’agenda international autour des 17 objectifs de développement durable a été conçu et adopté pour relever des défis persistants comme la pauvreté, la faim, la malnutrition,l’ignorance, les inégalités et violences dans et entre les pays, afin de promouvoir des sociétés pacifiques et inclusives. Dans cette perspective, une attention permanente et soutenue doit être accordée aux violences que subissent les femmes et qui représentent, selon de nombreuses études, l’une des violations des droits humains les plus répandues à travers le monde.  Déjà, en 1993, l’Organisation des Nations unies avait adopté la Déclaration sur l’élimination de la violence à l’égard des femmes qui, en son article 1er, définit la violence à l’égard des femmes comme tous les “actes de violence dirigés contre le sexe féminin, et causant ou pouvant causer aux femmes un préjudice ou des souffrances physiques, sexuelles ou psychologiques, y compris la menace de tels actes, la contrainte ou la privation arbitraire de liberté, que ce soit dans la vie publique ou dans la vie privée”. Au plan international, il est retenu de ce phénomène tant décrié plusieurs formes telles que : mutilation génitale féminine, mariages précoces et forcés, violences domestiques (coups, violences psychologiques, viol conjugal, féminicide), harcèlement ou agression sexuelle (viol, avances sexuelles non désirées, harcèlement dans la rue, cyber-harcèlement), trafic d’êtres humains (esclavage, exploitation sexuelle).

Assurément, aucune région du monde n’échappe à cette réalité Mais, dans beaucoup de pays, surtout en Europe, les actes de violence envers les femmes sont fortement punis, en plus d’actions fortes contre les stéréotypes sur les femmes. Du reste, les femmes élèvent davantage leur voix et des manifestations s’organisent, soutenues et suivies par les réseaux sociaux.   Ces tendances ont permis de bâtir le concept de genre, devenu aujourd’hui une problématique qui interpelle une bonne diversité de catégories d’acteurs de la recherche et du développement à la base. Il n’est pas exagéré de dire que le phénomène des violences semble encore très préoccupant dans des pays ou régions du monde dits en retard de développement, où l’ignorance, l’arriération culturelle et le poids de certaines traditions confinent les femmes dans une subordination qui étouffe toute opportunité d’éveil ou velléité d’autonomie.    Dans le cas du Sénégal, la femme a longtemps été exclue des centres décisionnels, à la fois dans le cercle familial et au niveau de l’espace public, avec un rôle social qui est de de rester à la maison et de s’occuper de sa famille. Cependant, les crises économiques et les nouveaux enjeux aidant, ce rôle a évolué, permettant aux femmes une participation plus significative dans la vie sociale et économique. Cette nouvelle donne a bénéficié du déploiement des organisations et mouvements dits féministes qui ont porté la promotion féminine en bandoulière. Cependant, cette volonté d’émergence reste confrontée à la persistance de phénomènes sociaux qui sont autant d’entraves à cette participation socio-économique des femmes et à leur épanouissement. En effet, en plus des pesanteurs socio-culturelles qui tendent à reléguer la femme au second plan, le phénomène des violences à l’encontre des femmes apparait véritablement comme une forme de violation de leurs droits, voire un frein à l’expression de leurs immenses potentialités. Cette situation augmente la vulnérabilité des femmes, pose un sérieux problème de santé publique, constitue une menace aux droits, à la liberté, au bien-être et même à la vie des femmes. En témoignent, la recrudescence des cas de violences faites aux femmes dans divers espace de vie. La complexité du phénomène et la loi du silence interpellent toutes les familles d’acteurs du développement (Etat, société civile, partenaires au développement, pouvoir local…) qui ne sauraient rester complices face à toutes les formes de violences subies par les femmes et les drames qu’elles provoquent, qui sont de nature à hypothéquer la participation civique et citoyenne des femmes aux actions de développement. En effet, il urge d’identifier et analyser les idéologies, actes, situations et postures génératrices de violences et portant atteinte à l’intégrité globale de la femme. Car, avec la prévalence des violences récurrentes envers les femmes, qu’elles soient physiques, économiques, sexuelles, verbales, psychologiques, c’est l’existence même des femmes qui est menacée mais aussi l’avenir des enfants, la cohésion et la stabilité sociales, un développement inclusif et durable. 

Il est vrai que le Sénégal, en plus d’avoir ratifié des textes internationaux en la matière, a aussi mis en place des mesures et dispositifs nationaux de lutte contre les violences faites aux femmes, comme :

  • L’égalité et l’équité de genre comme principe constitutionnel depuis 2001
  • La parité: pour un égal accès des femmes et des hommes aux mandats et aux fonctions,
  • Des textes interdisant toute discrimination entre homme et femme fondée sur le sexe.
  • Le code pénal qui réprime les violences et prévoit des peines pour les viols, le harcèlement sexuel, les violences conjugales et l’inceste, 
  • Le code du travail qui a adopté le principe de l’égalité de sexe en matière de travail,  
  • Le code de la famille qui régit la place de la femme et lui accorde un certain nombre de droits dans sa famille,
  • La création de la Direction Nationale de l’Equité et de l’Egalité de Genre,
  • La création d’un Observatoire des Droits de la Femme et de l’Enfant,
  • Le plan d’action national stratégique de lutte contre les violences basées sur le genre

Avec ce qui précède, il semble inimaginable que des actes de violence, plus nombreux et de plus en plus meurtriers,  puissent encore se produire. Hélas, malgré la volonté affichée à travers cet arsenal juridique, le Sénégal connaît une recrudescence des fléaux qui traduisent, en différents aspects, un déni des droits humains fondamentaux des femmes. A n’en pas douter, cela renvoie à un manque de dynamisme de l’Etat, que viennent renforcer la méconnaissance de leurs droits par beaucoup de femmes, faute d’appropriation de ces instruments, une sous information chronique  et une insuffisante sensibilisation. Il n’est donc pas étonnant que le pays n’arrive pas encore à bout des pratiques violentes et discriminatoires à l’égard des femmes

Le succès dans la lutte contre le phénomène multidimensionnel des violences subies par les femmes reste tributaire d’une approche multi acteurs. Il s’agira de favoriser une synergie d’actions pour dérouler des dynamiques portées par des équipes pluri disciplinaires et ouvertes à l’expertise locale, nationale et étrangère. Ainsi, le projet SB-AGROIN, fort de sa particularité d’avoir les femmes comme cible principale, peut sûrement y jouer un rôle majeur. Sa texture de projet intégré lui permet, en effet, d’étendre son champ pour prendre en compte plusieurs thématiques et y investir ses compétences distinctives et son expérience sur le partenariat et au niveau opérationnel communautaire. 

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